Hors-sol #1
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Ce mercredi 27 mars, le site actu.fr publiait un article relatant une intimidation des personnels soignants par leur hiérarchie afin qu’ils gardent le silence sur l’organisation de la crise du coronavirus au sein de l’hôpital. Sans pour autant mettre en ligne les preuves de ces intimidations, le site soulève une question fondamentale : dans quelle mesure, à l’hôpital comme ailleurs, les citoyens doivent-ils se soumettre à l’opacité généralisée d’un système dont tout le monde est tributaire ? Outre le secret professionnel, nécessaire au respect de la vie privée des patients, il n’est pas d’injonction au silence qui puisse tenir quand l’intégrité et la santé de toutes et tous est mise en péril.
On a beaucoup de choses à apprendre, de leçons à tirer d’Edward Snowden et des lanceurs d’alertes ces dernières années.
Il y a évidemment des raisons justifiables pour ne pas toujours tout divulguer, mais ces raisons se font très rares quand il s’agit d’une fonction publique, encore plus quand il s’agit du soin. On ne parle pas exactement de services secrets ici.
Dans une « chaîne de commandement », on attend que chaque personne délivre des résultats positifs à son responsable direct. Même si la bonne foi est de mise à chaque étage, un tel système traite de la même façon un problème « résolu » et un problème « passé sous silence ». Et parfois, résoudre un problème peut être vraiment, exceptionnellement compliqué. De fait, dans son ensemble, cette chaîne de commandement peut parfois échouer à remplir sa fonction, et les manquements trop faciles à camoufler apparaissent.
Pour moi, les « fuites », qu’elles viennent du bas de la chaîne ou des niveaux intermédiaires, font partie intégrante de ce système. Ça fait partie des mécanismes qui le maintiennent debout et aligné surses propres objectifs. Elles agissent comme un contrôle moral qui rectifie le tir d’éventuels manquements.
La presse, dans l’histoire, a toujours participé à ce rôle de régulateur moral. Quel que soit le règlement en place, une structure qui ressent le besoin de serrer la vis et d’ériger un mur d’intimidation autour de cette soupape morale, doit être doublement scrutée, et des tunnels doivent être creusés sous ce mur. Juste au cas où ça tourne au vinaigre la semaine suivante.
Tenter d’intimider le personnel soignant pour le tenir à distance de la presse et de l’opinion publique, c’est jouer un jeu dangereux. De plus, cela laisse transparaître un manque de respect envers lui. On parle de « professionnels de la santé » ; ils connaissent leur métier et leurs responsabilités, ils sont les mieux placés pour savoir ce qui est inutile ou préjudiciable à communiquer. Les infantiliser et leur rappeler qu’ils ne sont pas assez responsables pour nous raconter ce qu’ils vivent, ce n’est pas une façon très glorieuse de saluer l’ampleur des sacrifices qu’ils font pour nous depuis des semaines, et pour des semaines encore.
Enfin, tout le pays s’arrête chaque soirà 20h pour clamer son soutien aux personnels soignants de première ligne, seconde ligne ou troisième ligne. Plus que de façon théorique, formelle et symbolique, je pense qu’on veut entendre leurs histoires, on veut établir un contact direct avec eux, on veut qu’ils nous entendent comme on veut les entendre.
Il y a encore des gens qui organisent des apéros clandestins, ou qui prévoient de briser le confinement parce que ça tombe mal dans leur calendrier. J’estime la transparence plus convaincante et plus facile à distribuer que des millions d’amendes.
Des deux cotés du problème, nous ne sommes pas face à une question de répression et d’intimidation, mais bien une question de solidarité collective.
Daniel “koolfy” Faucon, activiste en sécurité informatique et libertés numériques
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